Le projet
A la source : un collectif pour partie déjà constitué
PLATem s’appuie sur des « ressources » déjà réunies dans le cadre d’un précédent Programme de la MSH de Montpellier (« Fait colonial et fait guerrier : jeux de miroirs et perspectives croisées »), au terme duquel, fin 2015, deux journées d’études ont été consacrées aux enjeux posés par les témoignages d’acteurs. Au cours de ces journées, des politistes, historiens et linguistes (CEPEL, CRISES, ART-DEV et PRAXILING) ont commencé à échanger, tout en bénéficiant de l’appui de projets d’ampleur déjà avancés (comme « Ego 39-45 » à l’Université de Caen ou « Corpus 14 » piloté par l’UMR PRAXILING de l’Université Paul Valéry-Montpellier 3, ou d’équipes au travail depuis plusieurs années (CRID 14-18, équipe du séminaire « L’ordinaire de la guerre » à l’ENS-LSH de Lyon, chercheurs associés à la Fondation pour la Mémoire de la Déportation).
En marge de ce programme, un collectif s’est constitué de manière informelle. Dénommé « Colmonté » (Collectif montpelliérain sur le témoignage), ce collectif a organisé plusieurs séminaires de recherche sur la parole des enquêtés, auxquels ont participé plusieurs titulaires et doctorants issus de diverses disciplines (science politique, histoire, anthropologie, études littéraires) et relevant du CNRS ou des universités montpelliéraines.
Ces travaux ont révélé l’existence d’un intérêt collectif manifeste pour le matériau « témoignage » pratiqué par de très nombreux collègues du site, sous diverses formes et selon différents objectifs et méthodes de travail, ainsi qu’une réelle demande d’appui technique et de réflexion méthodologique interdisciplinaire quant à la question des modes de recueil et d’exploitation de la parole des enquêtés.
Potentiel de chercheurs concernés par la plateforme
PLATEM entend élargir ce premier noyau de chercheurs constitué autour de l’objet « témoignages » en direction d’autres disciplines (sociologie, psychologie, médecine, informatique, économie, didactique, agronomie, écologie, droit, géographie, statistique…), étendant de ce fait son périmètre institutionnel aux autres organismes de recherche du site partenaires de la Fédération de Recherche MSH Sud (CIRAD, IRD, IAMM, SupAgro…).
PLATEM est donc d’emblée conçu comme un projet fédérateur pour les chercheurs de notre site, répondant en cela à la mission de structuration du dialogue interdisciplinaire dévolue à la MSH Sud à l’échelle du territoire.
Un laboratoire critique et réflexif...
PLATEM défend, pour la mettre en question empiriquement, une approche contextualiste du recueil de la parole des enquêtés, qui met l’accent sur l’importance de s’intéresser autant au contexte du recueil, c’est-à-dire à ses conditions les plus concrètes, matérielles et temporales, qu’au verbatim. Ce faisant, PLATEM se veut être notamment un outil de valorisation des sciences sociales auprès des autres disciplines mobilisant la parole des acteurs dans le cadre de leurs travaux.
Il ne s’agit pas de s’en tenir au seul recueil de la parole orale, dont les modalités sont nombreuses (de l’immersion ethnographique aux questionnaires précodés, en passant par les entretiens semi-directifs, l’enregistrement audiovisuel et les méthodologies participatives), et à propos duquel il existe une très vaste littérature. PLATEM entend également comparer paroles orales et témoignages écrits (eux aussi particulièrement étudiés en histoire et, dans une moindre mesure, en sociologie), ainsi que les diverses méthodologies de travail liées dans les diverses disciplines qui y ont recours. Les historiens, par exemple (histoire sociale, sociohistoire), ont développé des méthodes critiques sur les « témoignages » pouvant être très stimulantes pour les chercheurs s’intéressant essentiellement à la parole orale. Il en va de même pour les méthodologies de recueil de la parole orale développées par exemple par les psychologues, s’avérant souvent singulièrement déroutantes pour les sociologues ou les historiens. L’apport des informaticiens et des statisticiens peut être également très appréciable dans le cadre d’une approche quantitative de ce genre de matériaux et la visualisation des résultats.
Il y a donc intérêt à expérimenter et comparer, en « laboratoire », les différents procédés techniques et méthodologies de recueil de la parole (en pensant par exemple le confort, l’inconfort et le réconfort du témoin). Mais PLATEM entend penser autant contre l’expérimentation qu’avec elle, en en examinant les apports et les limites. Il s’agira en effet de comparer les modes de recueil, « sur la plateforme », avec d’autres, « dans le monde (social) » (par toutes méthodes possibles, y compris audiovisuelles). De ce fait, idéalement, ce sont des relations suivies entre enquêteurs et enquêtés qui devraient être privilégiées, c’est-à-dire des relations permettant, dans une logique de panélisation, de faire varier les relations de prise de parole (passage par exemple du domicile et/ou lieu de travail à la plateforme, ou inversement.
… et un dispositif technique mutualisé
Techniquement, PLATEM repose sur un dispositif en construction, mutualisé avec d’autres projets portés par la MSH Sud (MSH-Sud.TV et NumeRev) :
- - un plateau technique d’enregistrement expérimental de la parole avec au moins deux configurations possibles :
- une salle d’enregistrement filmé, dûment équipée, rendant officiels sinon solennels l’accueil de l’enquêté et l’attention accordée à ses propos
- une salle de discussion organisée de manière à rendre confortable le recueil de la parole
- - un dispositif d’enregistrement audio-vidéo portatif, afin de réaliser des entretiens hors-les murs de la MSH.
A moyen terme, PLATEM pourra compter sur une plateforme numérique qui hébergera certains contenus recueillis (entretiens audio et filmés, témoignages écrits océrisés, etc.) en lien avec les productions scientifiques qu’ils auront nourri, ceci notamment afin de travailler à l’enrichissement de nos mode d’administration de la preuve (l’un des objectifs premiers de NumeRev). A plus long terme, PLATEM pourra possiblement bénéficier des scanners et logiciels d’océrisation, d’analyse textuelle et d’extraction/traitement de données Web dont la MSH Sud souhaiterait se doter afin de développer un dispositif de numérisation de documents et corpus, de constitution de bases de données et d’exploitation des données produites.
De ce fait, PLATEM pourra aider à la constitution de bases de données numériques de témoignages écrits et oraux (sur le modèle par exemple d’Ego 39-45). Plus globalement, la numérisation des données d’enquêtes sera favorisée à condition de réfléchir non seulement à ce qui est mis à disposition, mais aussi aux logiques d’usages. Au-delà du respect des normes ordinaires du travail scientifique (citation, etc.), l’accès à ces ressources numériques issues des enquêtes réalisées grâce à PLATEM pourra le cas échéant être subordonné à un retour écrit visant à enrichir l’analyse du matériau.
Animation scientifique & formation
PLATEM est animé par un séminaire bimensuel ou mensuel de recherche-action autour de la question du recueil et des usages de la parole des enquêtés et des corpus de témoignages.
PLATEM est également un outil de formation des chercheurs et étudiants (formation technique à la prise de son et/ou d'images, au recueil de la parole, MOOC…).
Co-pilotage : François Buton (UMR Triangle, ENS Lyon), Emmanuelle Cheyns (UMR MOISA, Cirad, Montpellier), Julien Mary (MSH Sud), Antoine Bourlier (MSH Sud)
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Le séminaire
- Jeudi 14 décembre 2017 : "Le langage des témoignages (1)"
Ce premier atelier interdisciplinaire visait à discuter des enjeux liés aux compétences linguistiques des enquêtés ou des témoins, à l’échange linguistique souvent asymétrique que constitue toute relation d’enquête, qu’elle repose sur le dépouillement de témoignages écrits ou qu’elle passe par des échanges oraux, par entretiens ou immersion ethnographique. Il a également permis d’échanger sur les conditions de transcription des entretiens, sur ce qu’on perd et ce qu’on valorise dans l’opération de transcription à l’écrit.
Les situations rencontrées peuvent être très diverses : certains enquêtés s’expriment exclusivement dans une langue étrangère, ou dans un français très sommaire, d'autres souffrent d’un sentiment d’insécurité dans leur expression langagière ou de formes peu sophistiquées d’expression à l'écrit, d’autres encore abusent au contraire d’un langage spécialisé. Comment les chercheurs rendent-ils compte de ces spécificités, comment travailler avec elles voire sur elles ?
Programme :
Mohammad Alsadhan (UMR PRAXILING, UPVM3/CNRS) : « Témoignages de réfugiés Syriens : expérience particulière, diversité linguistique et problèmes méthodologiques »
Helena Trnkova (EA CRISES, UPVM3) : « Écrire l'expérience combattante à partir des témoignages austro-hongrois: les enjeux de la traduction le tissage d'un récit historique »
Alice Simon (UMR CEPEL, UM/CNRS) : « L'incidence des styles de langage socialement différenciés sur l'expression des opinions politiques - le cas des enfants »
- Jeudi 25 janvier 2018 : "Le langage des témoignages (2)"
Cette deuxième séance du premier atelier interdisciplinaire PLATEM a poursuivi le questionnement initié en décembre sur les enjeux liés aux compétences linguistiques des enquêtés ou des témoins, à l’échange linguistique souvent asymétrique que constitue toute relation d’enquête, qu’elle repose sur le dépouillement de témoignages écrits ou qu’elle passe par des échanges oraux, par entretiens ou immersion ethnographique.
Programme :
- Bertrand Verine (UMR PRAXILING, UPVM3) : « De l’importance des marques d’hésitation dans les témoignages oraux »
- Alice Champollion (EA LLACS, UPVM3) : « La langue occitane des pêcheurs : collectages sur le littoral méditerranéen »
- Emmanuelle Cheyns (UMR MOISA, Cirad) : « Langages du corps déviants dans la participation libérale. Interventions de paysans indonésiens dans la Table ronde sur l'huile de palme durable »
- Mercredi 7 mars 2018 : Journée d'étude (co-organisée avec le festival Paul Va au Cinéma) "Cinéma en sciences sociales"
Comment les chercheurs en sciences humaines et sociales se servent-ils du cinéma pour intervenir dans la société ? Comment le cinéma se nourrit-il des sciences humaines et sociales ?
- Masterclass « Cinéma & Recherche : voir autrement? » : Manon Ott et Grégory Cohen (Centre Pierre Naville, Université d'Evry)
Durant plusieurs années, ces deux chercheurs et cinéastes ont partagé un même terrain de recherche, dans un quartier populaire de la ville des Mureaux, en région parisienne, où ils ont habité et mené leurs recherches en immersion. Parallèlement à un travail de thèse en sciences sociales, ils ont chacun réalisé un film : "De cendres et de braises" (Manon Ott) et "La cour des murmures" (Grégory Cohen), dont il a été projeté des extraits en appui à leur intervention. En revenant sur la fabrication de leurs films, les deux cinéastes et chercheurs ont parlé de la façon dont le recours au cinéma est venu bouleverser leurs façons de faire de la recherche en sciences sociales en les invitant à d’autres modes de rencontres avec les habitants des quartiers des Mureaux, mais également en entrant avec ces derniers dans un processus de recherche et de création partagée. Ils sont ainsi revenus sur la façon singulière dont ils ont mis en scène leurs paroles dans leurs films, ainsi que sur la tension et le dialogue fécond entre travail scientifique et travail artistique qui habitent leurs recherches et leurs films respectifs.
- Le Master 2 de réalisation documentaire Ateliers Varan-UM3 : Guillaume Boulangé (coordinateur), Séverine Vanel (monteuse Varan) et les étudiants du Master 2018
Ce Master professionnel associe dans une même formation des enseignants-chercheurs universitaires et des encadrants professionnels de l’image. « L’esprit Varan », c’est un héritage de Jean Rouch, porté par une école qui défend une relation à l’autre : le réalisateur se met au service de son sujet, de ses personnages, il doit définir son point de vue, situer son regard, s’intégrer et être à l’écoute.
- Jeudi 5 avril 2018 : "Jeux de rôle, théâtre forum et playback théâtre" & formation à la prise de son dans un dispositif de recherche
Ce troisième atelier interdisciplinaire s'est intéressé à des dispositifs originaux de recueil de la parole : les jeux de rôle, le théâtre forum et le playback théâtre. Au delà d'une simple présentation de ces dispositifs, il s’est agi de questionner ce qu'ils font à la parole, mais aussi ce qu'ils permettent de produire pour la recherche. Cette séance de séminaire a été illustrée par une représentation de théâtre-forum. La journée s'est achevée par un atelier de formation pratique à la prise de son dans un dispositif de recherche.
Programme :
- William’s Daré, Francois Bousquet avec la contribution de Aurélie Botta et Frédérique Jankowski, Cirad, UR Green : * Jeux de rôles, théâtre forum, playback théâtre : ce que ces dispositifs produisent comme parole et témoignage pour la recherche *
Résumé : Les jeux de rôles, le théâtre forum et le playback théâtre sont des dispositifs qui font émerger une parole d'acteurs dans un cadre non conventionnel. Ils produisent des corpus qui peuvent s’appuyer ou pas sur un travail préalable de co-création, puis sur des témoignages ou des actions en situation contés ou joués. Quelle est la nature de cette parole ? Comment la recherche en science sociale l'intègre-t-elle dans ses dispositifs de production de connaissances ? Les trois dispositifs seront présentés ainsi que certains protocoles de recueil et d’analyse des paroles.
- Séance de théâtre forum par la troupe Agropolis. Une courte scène est jouée, le public réagit, les spect-acteurs qui le désirent montent sur scène pour explorer des solutions : * Précarité au travail *
Résumé : Après de nombreux contrats répétés de courte durée, Dédé vient voir sa responsable hiérarchique. Elle lui avait parlé d’un poste stable…
- Formation animée par
Antoine Bourlier, Réalisateur, responsable audiovisuel de la Maison des Sciences de l’Homme Sud (
www.mshsud.tv) :
* Recueillir la paroles des témoins : des usages à la technique. Atelier de formation pratique à la prise de son dans un dispositif de recherche *
- Jeudi 6 décembre 2018 : 4ème atelier PLATEM
Ce quatrième atelier interdisciplinaire s'intéressera au travail sur les corpus.
Avec Nicolas Mariot (CNRS-CESSP Paris) et Laurent Bonelli (Paris Nanterre-ISP).
Présentation : François Buton (CNRS-Triangle et PLATEM).
Discussion : Sylvain Bertschy (CRISES-UPV)
Comment travailler des corpus de textes, correspondances intimes ou dossiers administratifs, pris dans leur totalité (celle d’une cote d’archives) ou selon des procédures d’échantillonnage ? La séance permettra d’aborder de nombreuses questions, sur la réalité décrite dans les sources, sur la mise en série des données, ou sur les outils pour les traiter ou encore sur la manière de mettre en récit.
Nous avons choisi d’inviter des chercheurs qui, dans leurs travaux récents, nous paraissent avoir particulièrement bien « tenu » ce travail d’exploitation intensive et réflexive d’un corpus qui fonde l’essentiel (mais pas la totalité) de leur terrain empirique.
Sociologue et historien, Nicolas Mariot, dans Histoire d’un sacrifice, Robert, Alice et la guerre, (Seuil, 2017), s’intéresse à la « radicalisation intime » du sociologue Robert Hertz mobilisé comme soldat en août 1914, en exploitant particulièrement la « forêt de mots » qui fait la correspondance de Hertz avec son épouse Alice (et plus largement son premier cercle familial). L’ouvrage se conclut sur un chapitre intitulé « Les dessous du récit » particulièrement stimulant pour réfléchir aux manières d’user des correspondances.
Politistes, Laurent Bonelli et Fabien Carrié ont publié La fabrique de la radicalité, Une sociologie des jeunes djihadistes français (Seuil, 2018), dans lequel ils s’appuient en grande partie sur les dossiers de la Protection judiciaire la jeunesse (PJJ) de 133 mineurs poursuivis pour des affaires de terrorisme ou signalés pour « radicalisation » afin de mettre en évidence à la fois une diversité des types de radicalités mais aussi les logiques sociales (et pour partie institutionnelles) de production de la radicalité. L’ouvrage comprend un premier chapitre spécifiquement dédié à la présentation des sources de l’enquête.
- Vendredi 7 décembre 2018 : Conférence-débat autour de Nicolas Mariot
Comment en vient-on à s’engager corps et âme dans un conflit ? Qu’est-ce qui, de la ferveur nationale, de la pression familiale ou des valeurs personnelles, explique qu’un jeune intellectuel choisisse de prendre toujours plus de risques pour défendre sa patrie ? La correspondance du sergent Hertz et de sa femme Alice constitue une source précieuse pour comprendre un tel jusqu’au boutisme.
Appelé à combattre lors de la mobilisation générale d’août 1914, Robert Hertz n’aura de cesse de quitter son premier régiment d’affectation, pourtant préservé des combats san- glants, pour rejoindre une unité au plus près du feu. Norma- lien, disciple prometteur de Durkheim, il refuse de recourir à ses appuis dans les cercles du pouvoir pour se mettre à l’abri. Alors que ses amis et son jeune frère l’enjoignent à se proté- ger, il s’enferme, avec sa femme, dans une logique fatale :
« comme juif, comme socialiste, comme sociologue, je devais faire plus » écrit-il à Alice, quelques semaines avant de mou- rir, fauché par les mitrailleuses allemandes. Sa guerre n’aura duré que huit mois.
Drame intime et tragédie collective, cette histoire explore les ressorts d’une radicalisation, donnant à lire le pas de deux d’un sacrifice, la fabrique épistolaire d’un martyre.
Nicolas Mariot, chercheur au CNRS, est l’auteur de Tous unis dans la tranchée ? (Le Seuil, 2013)
La séance sera introduite et animée par :
François Buton (DR CNRS-Science politique, UMR Triangle, ENS Lyon)
Discussion :
Pierre-Yves Lacour (MCF-Histoire, CRISES, UPVM3 - Eric Soriano MCF-Science politique, UMR ART-Dev, UPVM3)
Co-pilotage : François Buton (UMR Triangle, ENS Lyon), Emmanuelle Cheyns (UMR MOISA, Cirad, Montpellier), Julien Mary (MSH Sud), Antoine Bourlier (MSH Sud)
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