Dans les territoires agricoles au climat semi-aride, les plaines cultivées offrent en saison sèche un paysage désertique, de sable et d’herbe brûlée. Dans les maisons et les cours, la chaleur pèse sur les humains et les animaux domestiques. L’annonce des premières pluies transforme la vie au village et aux champs. Les paysan.e.s préparent activement leur saison. Or, dans les zones semi-arides, l’ensemble des choix agricoles dépend de la capacité à « lire » l’environnement : les changements du corps, l’observation du ciel, mais aussi celle des oiseaux, des insectes, des reptiles, ou encore de l’humidité de la terre sont autant de signes qui leur permettent de connaître avec une grande précision la date d’arrivée de la pluie, la quantité d’eau qui tombera et la répétition des pluies dans le temps. Par la réalisation de films faisant l’ethno-géographie de deux villages ruraux, à Madagascar et au Sénégal, le projet CoVivENS tentera de saisir les savoirs sensibles des paysan.e.s et de montrer leur portée dans un monde soumis aux aléas climatiques.
CoVivENS s’inscrit dans le cadre du projet ARISER qui étudie les processus déterminant les modes de gestion paysanne de l’agrobiodiversité en zone semi-aride, et leurs rôles dans la résilience des agricultures familiales face au changement climatique.
Dans ce cadre-là, CoVivENS propose de mener une recherche complémentaire – inspirée des arts of noticing de l’anthropologie des liens (Tsing 2017)- pour étudier la manière dont les vies humaines et non-humaines (vivantes ou non) sont entrelacées et interdépendantes, et sont sollicitées par les paysan.ne.s à un moment précis de leur calendrier agricole : celui qui précède la saison des pluies et durant lequel de nombreuses décisions sont prises en termes de diversité cultivée et de pratiques.
L’examen attentif de la manière dont les paysan.ne.s interagissent par le sensible avec l’environnement peut nous permettre de développer des connaissances à même de reconnaître les pratiques agricoles résilientes, de les maintenir, voire de les diffuser.
Cette intention va dans le sens de nombre de penseurs qui affirment l’indissociabilité de la crise environnementale avec une crise de la sensibilité, i.e. de nos capacités à percevoir, à s’émouvoir et à porter un regard attentionné sur ce qui nous entoure (Haraway 2020, Morizot 2020, Tassin 2020). En cela, caractériser la dimension sensible de la gestion paysanne de l’agrobiodiversité apparaît cruciale pour, d’une part, appréhender comment les pratiques agricoles s’adaptent et co-évoluent avec l’environnement en réponse aux changements perçus et éprouvés par les paysan.ne.s (Reyes-Garcia et al. 2019). D’autre part, pour penser des actions de développement agricole adaptées localement et reposant sur une gestion de l’agrobiodiversité productrice de sens pour les paysan.ne.s (Altieri 2004).
Nous nous emparons du sensible comme moyen d’accéder aux savoirs et aux pratiques relevant de l’empirique. A cet effet, la recherche-création offre un cadre transdisciplinaire et des méthodes qui aident à dépasser les limites descriptives du texte et à forger des modes alternatifs de représentation (Baracchini 2022, Guillaume 2022).
Rejoignant la proposition de l’anthropologue Tim Ingold, pour qui il faut montrer pour connaître (2022), l’approche audio-visuelle vient répondre au besoin de rendre saisissable la dimension sensible des savoirs et des pratiques qui échappe aux méthodes et aux canaux académiques classiques. Nous utilisons les médias audios et visuels pour mobiliser non seulement la vue et l’ouïe, mais aussi, par l’effet synesthésique de la juxtaposition permise par le montage, d’autres sens :
Nous pouvons sentir l’odeur de ce que nous entendons et pouvons voir la dureté et la souplesse des matières comme par vision haptique (Mohl 2015).
Dans cette perspective, nous qualifions notre approche d’émique (Sardan 1998) car nous souhaitons représenter les points de vue des paysan.ne.s, ce qui conduira à faire des choix méthodologiques (e.g. immersion, prises de vue en caméra subjective ou en caméra partagée, etc…) directement inspirés des travaux de l’ethnographie sensorielle (Pink 2009)
PO
Marie Lusson :
Juliette Mariel :
ADRESSE
UPVM - Site Saint-Charles
71 rue Professeur Henri Serre
34090 MONTPELLIER
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